Lamentation trans-historique

"L'homme n'est-il pas l'espèce la plus nuisible de toutes !" se lamente l'homme de siècle en siècle. Les textes qui suivent montrent la pérennité du discours sur la nuisibilité de l'homme.

1750 (env.) : "L'homme (...) n'est-il pas l'espèce la plus nuisible de toutes ? Lui seul immole, anéantit plus d'individus vivants que tous les animaux carnassiers n'en dévorent.." (BUFFON (1749-1767), - Histoire Naturelle, in M. Richard, Oeuvres complètes de Buffon, Paris, Pourrat, 1837. t.3, p.158)

1770 : "L'Homme est un abrégé de l'Univers, il est maître de la Nature et souvent aussi son destructeur (...). (BEAURIEU Gaspard - Guillard de, Cours d'Histoire Naturelle ou tableau de la nature considérée dans les hommes, les quadrupèdes, les insectes. Ouvrage propre à inspirer aux gens du monde le désir de connoître les merveilles de la nature. Paris : Lacombe, 1770) BN (S.9788-9789)

1784 : "La plupart des hommes policés regardent la nature avec indifférence ; ils sont au milieu de ses ouvrages, et ils n'admirent que la grandeur humaine (...). Si quelquefois (l'histoire des hommes) parle de la nature, c'est pour en observer les fléaux, et pour mettre sur son compte les malheurs qui viennent presque toujours de notre imprudence. (...)." (BERNARDIN DE ST-PIERRE, (1784), Etudes de la nature, Paris, Hiard, 1836. T.1, p. 128)

1748-1832 : "Le jour viendra où le nombre des pattes, la présence de poils cesseront d'être des raisons suffisantes pour justifier l'esclavage." (BENTHAM J. cité par Encyclopédie Universelle, Animalité et humanité, Vol 17, édit. 1980)

1801 : "Et nous, Européens, qui remplissons la terre de nos vaines fureurs ; qui la couvrons de nos déprédations et de nos brigandages ; (...) qui ensanglantons le glaive, qu'avons nous fait pour suivre la Nature ?" (VIREY J.-J., Histoire Naturelle du genre humain, Paris : Dufart, An IX, p.12)

1820 : Préoccupation environnementale de Jean-Baptiste LAMARCK

1868 : "Elle n'est pas encore assez connue, pas assez aimée, cette belle nature, dont nos goûts superficiels semblent nous éloigner de plus en plus ; elle nous devient chaque jour plus étrangère, comme si la science, dont le but véritable est d'en approfondir les secrets, n'avait de valeur réelle que dans ses applications à l'industrie..." (MARION Fulgence, Les merveilles de la végétation, Paris, Hachette, 1868. p.1)

1884 : "La France a réduit peu à peu ses cantons boisés au 1/6e de sa surface (...). Elle a à se reprocher sa Sologne, sa Dombes, sa Brenne, ses Landes, tristes déserts qu'elle a créés elle-même, ainsi que ses Pyrénées et ses Alpes dénudées par les hommes et par les troupeaux, et qui se vengent par la fureur de leurs torrents. Il est juste d'ajouter que parfois, l'homme, effrayé de son oeuvre, pris de repentir, s'est efforcer de réparer les malheureux effets de son insouciance." (...) Mais quels sacrifices de temps, de travail, d'argent ne nous faudra-t-il pas faire pour obtenir, imparfaitement peut-être, ce que la nature nous avait si libéralement accordé !" (LESBAZEILLES E., Les forêts, Paris : Hachette, 1884. p.20)

1888 : "N'y a-t-il pas lieu d'être surpris que des hommes intelligents, et par ailleurs instruits, passent indifférents au milieu de ce monde admirable... sans arrêter de temps en temps leur pensée sur les phénomènes étonnants qui s'accomplissent sous leurs yeux, sans essayer de comprendre ces grands jeux de la nature...." (MAISONNEUVE Paul, (1888), Traité élémentaire de Zoologie, 6e, Paris, Poussièlgue,1898.)

1924 : "Respectés dans l'antiquité, les oiseaux ne le sont plus de nos jours. On a vu en eux une capture facile, une chasse sans dangers,une ressource alimentaire faible d'ailleurs et divers profits dans l'utilisation des plumes pour la mode. Et on s'est mis à tuer les oiseaux, à dénicher les nids, à détruire les oeufs pour le plaisir de satisfaire un mauvais instinct de destruction. L'homme a ainsi détruit l'équilibre et les résultats désastreux n'ont pas manqué de se faire sentir. Depuis un demi-siècle, les désastres vinicoles, agricoles et forestiers se multiplient et menacent d'anéantir toute la richesse publique. " (EISENMENGER (G.) ET COUPIN (H.), Les Sciences Naturelles des Cours Complémentaires et de l'Enseignement Primaire Supérieur (Brevet élémentaire), Paris, Nathan, 1924. p.178)

1931 : "De tout temps la forêt de Gouffern fut réputée fort giboyeuse et chacun sait que François 1er durant 3 semaines vint y chasser (...) biches et cerfs qui sont prompts à courir (...) De ce qui était hier une splendide forêt il ne restera plus demain qu'une triste lande. 700 ha de forêt ont été vendus (...) Une telle oeuvre de destruction systématique est d'autant plus révoltante que nul n'ignore l'influence directe qu'exercent les forêts sur le régime des eaux." (GUILLOCHIN, Conférence faite par Mr Guillochin au Syndicat d'Initiative du Pays d'Argentan, le 17/06/1931)

1936 : "Autrefois, notre pays était très boisé, mais on l'a sottement déboisé pour s'enrichir. ... La forêt purife l'air; elle abrite et nourrit de nombreux animaux qui sont ses hôtes... Les racines des arbres retiennent la terre végétale. Les feuilles qui, chaque année, tombent à l'automne, forment une nouvelle couche d'humus qui retient l'eau des pluies."
"Les montagnards ont exploité stupidement les forêts. Ils les ont abattus sans pitié... Sans réfléchir ils ont tout coupé... Le déboisement a eu des conséquences néfastes pour notre pays. La pluie tombant sur la montagne déboisée arrache l'humus et l'emporte dans la vallée, et bientôt apparaît le roc nu, les sources tarissent. L'eau de pluie ruisselle et forme des torrents dangereux qui ravagent tout sur leur passage. Le déboisement fut l'une des causes de l'inondation qui, en 1932, causa tant de ravages dans la vallée de la Garonne." (CARNIAUX M. et LEROY E., Les classes-promenades, Paris : Nathan, 1936)

1968 : "Les besoins de l'homme deviennent de plus en plus importants et son exploitation de la nature augmente sans cesse. De tout temps, il a cultivé, domestiqué, élevé. Mais sans politique suivie, il a défriché à l'excès. Dans son souci de soumettre une nature que le plus souvent il ignore, il a détruit des espèces indispensables et en a introduit d'autres." (CAMPAN et PANIEL, Biologie 5e, Paris : Hachette, 1968, p.224)

1990 : "Ne vivant plus qu'à l'intérieur (...) nos contemporains (...) indifférents au climat, sauf pendant les vacances (...) ils polluent, naïfs ce qu'ils ne connaissent pas." (SERRES (M.), Le contrat naturel, Paris, Bourin, 1990.p.53)

1990 : "L'homme moderne a peu à peu perdu le contact avec la nature." (BLONDEAU Gérard, Des traces dans le jardin, Paris, Epigones, 1992, Préface)

Qu'est-ce qu'on rame avec les infos pas gaies ! (Vassiliu)

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