Gaston PHOEBUS, Comte de Foix, 14e siècle : "Pour prendre le loup vivant, on construit deux enceintes circulaires disposées l'une dans l'autre... Sur l'enceinte extérieure on ouvre une porte munie d'un cliquet. Après avoir traîné depuis la forêt et jusqu'aux enclos, des morceaux de viande avariée, on place au centre de l'enceinte intérieure un mouton... Le loup... pénétrera dans l'enceinte extérieure, en fera le tour dans l'espoir d'y trouver une entrée... et poussera la porte..."
Bibliographie | Dictons, proverbes et définitions
En considérant la toponymie, dans le département de l'Orne ou ailleurs, on ne peut que constater l'importance du loup dans les noms de lieux : communes, hameaux ou parcelles cadastrales. Ces toponymes "lupiques" sont parmi les plus abondants. Il n'est pas surprenant de trouver une "fosse au loup" sur la commune de Fontenai-les-Louvets, un "Chêne au loup" à Montgaroult, etc...
Traces de loup aussi dans les noms de famillle. Ainsi, le minitel m'apprend que vous êtes 77 Louvel, 42 Chanteloup et 34 Leloup, abonnés au téléphone dans l'Orne (en 1988). Traces de loup aussi dans les noms des animaux et des plantes. Ainsi, la Lycose est une araignée-loup ; le Lycopode est une sorte de fougère qui ressemble à une patte de loup ; le Lycope est une plante des endroits humides appelée aussi "pied de loup" ; le Lycoperdon, c'est la vesse de loup, champignon bien connu en forme de poire. On pourrait en citer une vingtaine comme ça. La tomate a été appelée Lycopersicum, c'est-à-dire "pêche de loup", parce qu'on la croyait toxique. Il fallut que quelqu'un ose en manger pour qu'on l'appelle Lycopersicum esculentum" autrement dit la "pêche de loup comestible". L'Aconit-tue-loup fut ainsi nommée parce qu'elle servit de poison pour les loups avant qu'on ne découvre la strychnine.
Le grand saint patron des louvetiers c'est Saint-Loup (ou Saint-Leu), évêque de Bayeux, très habile à tuer les loups. Il est considéré comme le protecteur des bergers et des moutons. Il organisait, tout comme les seigneurs, des huées, c'est-à-dire des chasses aux loups.Ceux-ci étaient souvent pendus dans les arbres, comme l'attestent les nombreux toponymes "loups-pendus". De nombreux vieux arbres portaient, comme celui du Plantis, le nom de" Chêne-au-loup". La louveterie attestée dans l'Orne par les toponymes Louvetière, Louveterie, Louvières, a été supprimée en 1787, puis rétablie sous l'Empire. Elle a été l'instrument de cette lutte contre le loup, puis par extension contre tous les "nuisibles" ; mais aussi l'occasion pour les louvetiers de chasser illégalement le gibier (avec le même fusil !).
L'étude du loup, et de la louveterie, nous apprend bien des choses sur le comportement... humain ! Les légendes, proverbes, traditions orales, pratiquant l'analogie nous font peut-être mieux connaître le genre humain mais aussi discréditent le loup en amplifiant ses méfaits. Toutes ces légendes confirment le proverbe qui dit qu'on "croit toujours le loup plus gros qu'il n'est".
Les naturalistes eux-mêmes ont donné une image anthropomorphique du loup : "sa chair est si mauvaise qu'elle répugne à tous les animaux. Il n'ya guère que le loup qui mange volontiers du loup. Il exhale une odeur infecte par sa gueule... Il vomit fréquemment et se vide encore plus souvent qu'il ne se remplit. Enfin désagréable en tout... la voix effrayante, l'odeur insupportable, le naturel pervers, les moeurs féroces, il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort" (Buffon 18e siècle). Les naturalistes ont toujours dessiné le loup efflanqué et les dents bien en évidence pour bien montrer que cet animal a "une faim de loup". N'exagérons pas, un loup ne mange pas plus qu'un berger allemand, et moins qu'un dobermam !
Ceux qui ont étudié l'histoire des relations entre l'homme et le loup nous apprennent qu'il est devenu un ennemi du genre humain à partir du Moyen Âge du fait de la restriction de son milieu de vie et du déséquilibre de la faune.. Dans l'antiquité, le loup vivait dans une quasi indifférence vis-à-vis de l'homme et réciproquement. La bête du Gévaudan a fait couler beaucoup de sang et d'encre. Il y a eu sûrement des loups mangeurs d'homme, mais pour vous permettre d'apprécier le degré de culpabilité du loup, voici deux textes.
Le premier de Pierre Belon du Mans (1555).
"Les uns peuvent devenir loups et vont courant dans les rues et lieux champestres, hurlant comme les loups, dont les médecins les ont nommez "lycanthropi" et leur maladie "lycanthropia" et en françoys "loups-guarous."
Les plus célèbres loups-garous, Gilles Garnier et Jacques Rollet (16e s.) ont été condamnés à mort pour homicide et anthropophagie.
Le deuxième texte est de Robert Delort (1984).
Il dit à propos de l'affaire du Gévaudan : "Certaines personnalités troubles, tel Antoine Chatel, père de Jean Chatel, garde chasse au Mont Mouchet, cadreraient bien avec ce rôle de meneur de loup". En effet, certaines personnes élevaient des loups et les dressaient contre les humains. Méthode astucieuse, les meneurs de loup et les lycanthropes faisaient d'une pierre deux coups : Ils camoufflaient leurs crimes et discréditaient le loup, coupable tout trouvé pour les crimes présents et à venir.
Mais alors, pourquoi pas réintroduire le loup en France ? puis qu'il n'est pas si coupable que cela. Robert Delort, réaliste, répond : "Oui... quand l'épizootie de rage sera résorbée et quand la faune naturelle sera reconstituée".
Bernard Langellier
Le leu, c'est le loup en ancien français.
Un loup cela peut être :
une constellation.
un masque pour les bals masqués.
une malfaçon (d'où le verbe louper).
une arme de guerre (aussi appelée corbeau !).
un chancre ulcéreux ("jambes pesantes sujettes à avoir loups" disait-on au Moyen Âge).
Lupa, c'est une louve ou encore une prostituée : Romulus et Romus ont été nourris par une lupa.
Un loup de mer c'est un vieux marin ou un phoque.
Une tête de loup, c'est une brosse pour enlever les toiles d'araignées.
Une loupe est une excroissance végétale (la loupe d'orme est très recherchée en menuiserie-ébénisterie).
Un loupiot, c'est à l'origine un louveteau.
Enfin c'est avec une loupiote qu'on faisait peur au loup.
Tôt sait le loup ce que mauvaise bête pense.
Quand le loup est pris tous les chiens lui lardent les fesses (17e).
Les loups ne se mangent pas entre eux.
Nourris un louveteau, il te dévorera (Théocrite).
Le même jour a vu naître le peuple des loups et celui des moutons.
Le loup apprivoisé rêve toujours de la forêt (proverbe russe).
L'homme est un loup pour l'homme = Homo homini lupus (Plaute).
Elle a vu le loup (elle est enceinte).
Ce que fait le loup à la louve plaît.
Se jeter dans la gueule du loup.
Quand on parle du loup on en voit la queue.
Marcher à pas de loup.
Il faut hurler avec les loups si on veut courir avec eux.
Tant qu'il y aura des loups il faudra des molosses pour garder la bergerie (J.H. Fabre).
BELON Pierre, histoire de la nature des oyseaux, 1555 (Bibliothèque du Mans).
BERNARD Daniel, L'homme et le loup, Berger-Levrault, 1981.
BUFFON, Histoire naturelle, 18e S (Bibliothèque Municipale d'Alençon).
DELORT Robert, Les animaux ont une histoire, Le Seuil, 1984.
MATTHIOLE André, Les commentaires de Dioscoride, 1561 (Bibliothèque Municipale d'Alençon).
PHOEBUS Gaston, le livre de la chasse, Seghers, 1978.
SALGUES, Des erreurs et des préjugés, 1818, tome 1.
Fascicule 1 des Cahiers de Léopold Delisle, Archives de l'Orne, 1975.
La chasse au loup dans l'Eure, Archives de l'Orne, 1973.