Carrouges serait, d'après l'étude des noms de lieux, un carrefour. Quadruvium, en latin, voudrait dire "à quatre voies". Une de ces routes, celle de Chahains à Carrouges suit la ligne de crête à l'altitude de 330 m. Un carrefour sur une hauteur, comme nous le rappellent, de temps à autre, le vent et la froidure, mais qui permet de jolis points de vue sur le bois de Monthard, sur le château, sur Argentan.
Que le voyageur regarde "de" Carrouges ou "vers" Carrouges, il ne peut que constater son environnement forestier. Le plus proche, le plus carrougien des bois, c'est bien celui de la Tonnelière. Carrouges est entourée de forêts ou de bois, outre celui de la Tonnelière, on peut apercevoir : 1) à l'Est : Écouves, avec ses 417 m, et ses 15 000 ha (si on additionne la forêt domaniale et les bois privés adjacents comme celui de Goult, 2) plein Sud, dans l'axe de la route de Ciral, la forêt de Multonne (avec elle aussi 417 m au mont des Avaloirs), 3) au Sud-Ouest le bois de Monthard qui constitue une limite à la fois départementale et régionale et qui nous cache les forêts de Monaye et de la Motte, plus lointaines.
Carrouges et ses environs sont donc faits de bois et de collines. On admettrait facilement que ce relief est dû à un massif de granite. En effet, la plupart des maisons de la commune sont faites de granite. Et l'on se dit qu'un "massif" doit bien être un relief. Il nous faut tout de suite démolir cette idée : Carrouges n'est pas sur du granite. Celui-ci, vous le trouverez en contre-bas, du côté de Ste-Marguerite au Nord ou de Lignières au Sud. Ce granite, dit "de la Ferté-Macé" est propice au bocage et à l'élevage. L'agriculture appréciant la richesse en sels minéraux des sols situés sur granite, ceux-ci sont rarement couverts de forêts.
Les communes de St-Martin-des-Landes, au Sud, et de Ste-Marie-La-Robert au Nord, sont aussi plus agricoles que sylvestres. Cette fois, c'est la richesse des schistes précambriens (roche feuilletée la plus ancienne de la région, plus de 600 millions d'années) qui en est la cause.
Les forêts correspondent généralement à des terrains où l'agriculture est impossible. C'est le cas de la forêt d'Écouves dont les sols sont d'une pauvreté telle que s'il y a eu tentative d'agriculture, très vite on abandonna. Les défrichements y ont toujours donné des terres à fougères ou à bruyères. Figurez-vous que le grès armoricain, qui constitue l'essentiel du sous-sol d'Écouves, est constitué à près de 100% de silice, substance quasi inutile au végétal. L'épaisseur du sol y est souvent de l'ordre de la dizaine de cm ; impossible d'y enfoncer la charrue. Vous pouvez voir du grès armoricain au pied de la chapelle St-Michel de La Lande-de-Goult (ci-contre).
Faisant partie du sous-sol d'Écouves, donc datée de l'Ère Primaire, la roche de la carrière de Rouperroux, bien repérée, notamment par la circulation des camions, présente l'originalité d'être volcanique. Cela surprend toujours, un volcan en Normandie, mais c'était il y a 500 millions d'années environ. Cette roche est utilisée comme ballast et pour l'empierrement des routes.
Mais de quoi est fait le sous-sol de Carrouges ? Les maisons du bourg sont-elles construites sur de solides fondations ? Il faut, pour le savoir, regarder, à l'occasion de tranchées pour canalisations diverses, les pierres déplacées par les pelles du chantier. ce sont des roches presque anodines. Elles ne ressemblent pas à du granite, ni franchement à des schistes. Elles tiennent un peu de l'une et de l'autre. En fait, ces roches ont subi des modifications lors de la montée, dans l'écorce terrestre, du granite de la Ferté-Macé. C'était il y a bien longtemps, il y a 600 millions d'années. C'est essentiellement la chaleur de ce granite qui a modifié les schistes avoisinants et les a ainsi rendus plus durs. Ainsi, ont-ils, depuis, résisté à l'érosion. Et voilà notre crête carrougienne expliquée par la solidité d'une roche à l'origine schisteuse qui a été "cuite" par le granite. on l'appelle schiste métamorphique ou cornéenne.
Ainsi, carrougiens du bourg, vous vivez sur de solides cornéennes ; mais pour construire votre maison, vos ancêtres sont, peut-être, allés chercher le granite, au nord à Ste-Marguerite-de-Carrouges. Pour commencer à voir des affleurements de granite en partant du bourg, il faut descendre la D 908 qui va à La Ferté-Macé, près de l'aire de repos des Bruyères, sur la gauche. Le granite que vous y trouverez vous surprendra peut-être par sa couleur rouille et son altération. Ceci est dû à l'âge du granite (600 millions d'années) et surtout au fait que l'on ne voit que le granite mis à jour : il a subi les intempéries (l'eau et les alternances gel - dégel). Aussi s'effrite-t-il facilement. Vous trouverez également du granite, vers le nord, sur la route de St-Sauveur, sur la droite en descendant au terrain de camping. On peut y voir, à la faveur de travaux routiers récents, sur le talus, dans le virage, la transition entre les cornéennes carrougiennes et le granite de St-Sauveur.
Les cornéennes sont propices aux collines boisées. Ainsi en est-il du bois de la Tonnelière constituée de feuillus, pour le plus grand plaisir des promeneurs. Plus à l'Est, les stériles grès armoricains ont incité les propriétaires à y planter des résineux. C'est le grand bois de Goult.