C'est en floréal, le mois des pommiers en fleurs, que l'abeille se régale.
À l'origine, nos rosacées fruitières étaient des espèces sauvages de la forêt tempérée : le pommier sylvestre, le merisier et le néflier. Les premiers pommiers seraient nés, il y a 65 MA, au Kazhakstan, dans la région d'Almaty (Alma-Ata). Les ours en préférant les pommes sucrées aurait participé à la sélection de nos pommes : Les pépins des pommes sucrées déféquées par les ours kazakhs germeraient plus facilement que les autres.
Faisons un grand saut vers le 13e siècle. C'est à cette époque que les vergers se développèrent en Normandie, parce que St-Louis, dit-on, y interdit la cervoise de façon à réserver l'orge pour les galettes qui sont bien plus efficaces pour juguler les famines. C'est comme cela que les Normands, privés de cervoise, se tournèrent vers la pomme... et le cidre (J. Maneuvrier dans la revue "Le Pays d'Auge", 1976).
Le docteur Henri Hamon écrivait en 1937 que grâce au cidre, les Normands pouvaient se permettre d'abuser du gigot. Pas de calculs de la vessie pour les Normands buveurs de cidre. "Je n'ai pas rencontré un seul lithiasique normand buveur de cidre", affirme le Docteur Eltrich. "Si, répond le Docteur Couinaud, mais il s'agissait de malades résidant depuis peu en Normandie". Plus récemment, le 29 janvier 1988, Ouest-France nous apprenait que dans le département de la Manche, l'Union Laitière Normande allait bientôt produire une substance extraite du marc de pommes, efficace contre le mauvais cholestérol et les calculs ; calculs que l'on sait maintenant détruire avec ultra-sons. Personnellement je préfère la pomme aux gélules ou aux ultra-sons.
Pommes à couteau, cidre et pommade, voilà pour la tradition. Des gélules, comme alternative à la vraie pomme, voilà pour la modernité...
Que d'utilisations pour cette pulpe de pomme qui, comme le disait Hérodote (??), n'a pas été faite pour être mangée, mais pour protéger les pépins.
Ci-contre, deux variétés de pommes sur le même pommier, c'est possible.
La huppe, l'étourneau, la grive draine tirent profit d'une façon ou d'une autre du pommier : soit en y faisant leur nid, soit en y prélevant de la nourriture, soit les deux à la fois. Certains animaux se nourrissent directement du fruit : divers rongeurs comme le lérot; divers oiseaux comme le verdier qui mange le marc ; divers insectes comme le carpocapse ou ver de la pomme. Mais les producteurs savent aussi que les mésanges, la chevèche et même l'étourneau se nourrissent des vers, chenilles, pucerons et acariens dont la prolifération pourrait nuire au verger. Les animaux domestiques "ne peuvent que l'engraisser et l'on aura soin de laisser divaguer la volaille et surtout les cochons, qui de tous les animaux sont ceux qui contribuent le plus à l'amélioration des plants, en ce qu'ils fouillent la terre au pied des pommiers et ne broutent pas le tendrin des branches et le bourgeon, comme le font les boeufs et les vaches, ce qui est très préjudiciable aux pommiers." (SEGUIN R., Essai sur l'histoire de l'industrie du bocage, 1810). Bien sûr, de tous les animaux de l'écosystème Verger, c'est l'abeille qui est la plus appréciée.
"Le folklore breton renferme une curieuse histoire concernant les pommiers. Ceux qui poussaient dans le marais de Dol-de-Bretagne donnaient des fruits incomestibles, jusqu'au jour où, par l'intervention d'un saint évêque, ils devinrent délicieux. Ceci se passait au VIe siècle et l'évêque se nommait Magloire... Telle est l'origine miraculeuse des pommes appelées Doux-auvêque, autrement dit les douces pommes de l'évêque." ( BROSSE J., Les arbres de France, Plon : 1987).
Chacun sait que la pomme est le fruit par excellence. À tel point que les Normands utilisaient souvent le substantif "arbre" en lieu et place de celui de "pommier".
Se battre pour une pomme serait très fréquent, comme le veut la mythologie. Sauf que la "pomme de discorde" n'est qu'une traduction malheureuse du Latin "pomum" qui veut dire un fruit en général. Il faut donc disculper la pomme !
L'expression "tomber dans les pommes" est, là encore calomnieuse pour ce magnifique fruit qui n'est en aucun cas responsable de chutes, puisque "tomber dans les pommes" est une déformation de "tomber dans les pâmes", c'est-à-dire en pâmoison.
L'acide malique, c'est l'acide des pommes, du latin "malus" = pommier.
Y-a-t-il un rapport entre malum = la pomme et le mal ? Diantre ! oui ! Dans la bible, la "pomme" est le fruit défendu associé au mal. Malum en latin signifie le mal ou la pomme. Mais la Bible parle-t-elle vraiment de la pomme ou d'un autre fruit ? Ceux qui ont traduit la bible auraient pu faire une erreur de traduction ou encore un jeu de mot. Ci-contre un extrait du dictionnaire Gaffiot.
"La nature est prévoyante, elle fait pousser les pommiers en Normandie, car elle sait que c'est là qu'il y a le plus de buveurs de cidre." (Henri Monnier)
"Les pommes qui se trouvent de l'autre côté du mur sont les plus douces."
"Apple a day, doctor away."
"Il suffit d'une pomme pourrie pour gâter tout le tas."
"C'est du cidre de clair de lune" (c'est du cidre fait avec des pommes volées).
"La mauvaise besson, ça vous passe dans le corps comme une médecine" (c'est-à-dire comme un laxatif).
"Elle a avalé un pépin" (elle est enceinte).
"Ridé comme une vieille pomme"
(Quand on est ridée comme une vieille pomme, on risque moins d'avaler un pépin)
"La déesse Discorde ayant brouillé les dieux
et fait un grand procès la-haut pour une pomme,
on la fit déloger des cieux.
Chez l'animal qu'on appelle homme,
on la reçut à bras ouverts." (La Fontaine)
François TERRASSON, La civilisation anti-nature, Sang de la Terre, 2008 :
"Sous les pommiers les pommes pourrissent.
N'ayant pas le calibre adéquat,
la société qui les achète d'habitude n'en n'a pas voulu.
Mais on ne les vendra pas ailleurs, c'est interdit.
Contrat d'exclusivité oblige."
ROGNON Frédéric, Les primitifs, nos contemporains, Hatier, 1988. p.46 :
"Et sur la terre entière, on assiste à l'uniformisation des désirs de consommation, à l'homogénéisation des aspirations, en bref, au nivellement culturel."
Musée de la pomme et de la poire, 50720 Barenton .
Le verger conservatoire de Carrouges (61320).
HAUDRICOURT A.-G. et Hédin L., L'homme et les plantes cultivées, Paris : Métaillé, 1987.
MARCHENAY Philippe, À la recherche des variétés locales, Page Paca, 1987.
BROSSE J., Les arbres de France, Plon : 1987